Opinion

Arc System Works et l'Europe : un dédain mutuel

Publié le 19/11/2015

L'annonce de Guilty Gear Xrd - Revelator pour le printemps 2016 aux USA me permet de revenir sur un sujet qui fait couler beaucoup d'encre : les raisons pour lesquelles Arc System Works boude l'Europe depuis quelques années.

Premièrement rappelons que le business d'Arc System Works n'est pas que le jeu console. La trésorerie courante est assurée par leurs jeux présents en arcade. La société touchant une partie des 100 yens mis dans la borne, ils ne peuvent pas sortir simultanément leurs jeux en arcade et sur consoles sans tuer une de leurs principales sources de revenus, le tout dans un contexte de recul des ventes des jeux consoles.

Conscient qu'un jeu en arcade peut rapidement perdre en attrait, Arc a mis au point une stratégie de flux lui permettant de créer de la nouveauté pendant plusieurs mois avec le même jeu. Cela commence évidemment par la sortie d'une nouvelle version Arcade apportant une grande quantité de contenu, à savoir des mécaniques de jeux et des personnages. Passé quelques mois d'exploitation, le titre voit son équilibrage changer et de nouveaux personnages arriver exclusivement dans la version console. Cela oblige évidemment les joueurs à se mettre à jour pour ne pas rester à la traîne. Et inversement par la suite : une fois vendu, le contenu console arrive sur la version arcade, modifié à nouveau, pour y faire revenir les joueurs.

Épilogue : ce dernier équilibrage arcade arrive sur console avec un nouveau nom, dans une nouvelle boite, mettant tout le monde au même niveau... Jusqu'à la prochaine version majeure évidemment.

Or cette dernière version console pourrait paraître inutile si on ne considère le jeu que par le prisme de son gameplay... Mais ce serait une grossière erreur. Arc a compris qu'une partie de son public se moquait des problématiques d'équilibrage pour simplement apprécier... Le scénario du jeu et les personnages. BlazBlue comme Guilty Gear Xrd sont effectivement du pain béni pour les amateurs de visual novel et de dessins animés japonais :

  • Le scénario est fleuve à défaut d'être cohérent ou bien écrit, ce qui est chouette quand on considère que...
  • L'intégralité des dialogues sont réalisés par des doubleurs hyper connus qui apportent avec eux leur fanbase (des otakus) qui aime quand...
  • Chaque épisode sort en version boite et collector, avec plein de produits dérivés qui cartonnent à mort car...
  • Arc écoute sa fanbase et réalise certaines de ses demandes tout en ménageant bien ses effets (les cheveux de Noël dans Chrono Phantasma et Nine dans Central Fiction en sont de bons exemples)

En captant deux publics différents - joueurs de jeux de baston et otakus - Arc dispose de deux vaches à traire. Si la première peut rapidement se lasser de ces pratiques, elle peut cependant se contenter d'une version boite et ronger son frein en attendant que le jeu revienne en Arcade où les mises à jour et les personnages additionnels sont gratuits.

Le second animal est lui tout l'inverse du premier. Il est demandeur d'itérations supplémentaires à partir du moment où chacune lui donne ce qu'il attend : scénario, doubleurs de qualité, produits dérivés... Au Japon le fanboyisme otaku est très lucratif, ce qui explique pourquoi le pays vend toujours autant de CDs et pourquoi le directeur de Arc System Works, pas idiot, a décidé que plus d'épisodes seraient vendus au plein tarif, condamnant la possibilité d'obtenir des mises à jour en dématérialisé et à moindre frais.

N'avez-vous pas remarqué que quelque chose clochait dans cette explication ?

Et oui, à aucun moment il n'est question de marché global mais uniquement du marché Japonais. Si depuis peu Arc tente des sorties rapides aux USA, l'explication du pourquoi est simple : 320 millions d'habitants qui ne parlent qu'une seule langue et un éditeur lui-même très branché produit japonais, connaisseur du marché otaku local (d'où le doublage anglais de BlazBlue et Guilty Gear par des doubleurs américains connus dans ces cercles). Peu d'efforts à fournir donc et peu de frais engagés.

En Europe rien de tout cela. Si Arc a tenté l'aventure avec des locaux Européens en 2011, ceux-ci ont rapidement fermé face aux frais de localisation trop élevés par rapport aux ventes. Le seul éditeur de jeux de baston de niche restant est Koch Media, qui ne récupère que des petites quantités et les distribue en magasins spécialisés et sur le net. Et si la France est certes un consommateur de produits culturels nippons, cela compense pas pour les autres pays. L'Europe ne possède pas assez de salles d'arcade et d'otakus. Il n'y a pas de public, donc pas de marché, donc aucune raison de l'investir.

Un désintérêt mutuel donc, qui serait bien plus compréhensible si Arc prenait enfin la bonne décision : ne plus sortir ses titres en Europe. Les retards et le suivi désastreux ne contribuent qu'à énerver les joueurs et écorner l'image des produits en question.

A quoi bon continuer les frais ?

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